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15 mai 2009

Dans un canapé un soir d'hiver pluvieux avec un bon feu de cheminée...

    En ce jour pluvieux (bon, il aurait pu faire 35° sous un soleil au beau fixe, ça n'aurait rien changé, si ce n'est que je serais sur mon transat et pas sur mon lit), je n'ai rien à vous proposer pour nourrir vos réflexions ô combien intellectuelles. Mais comme je ne peux me résoudre à vous laisser ainsi, suppliants, les larmes aux yeux, sans rien, je vais donc vous raconter une petite histoire. Imaginez vous (ou pas) dans un bon gros chesterfield, en face d'une grande cheminée d'où sort un doux crépitement qui réchauffe vos oreilles, votre fidèle compagnon à poils dormant en boule à vos pieds, pendant que je vous conte ce court récit.


Le dernier combat de la canette cabossée.
(Extrait de 'Quelques petites histoires à lire le soir pour non pas faire dormir Léna, mais la distraire afin de sauver votre bras...', peut être un jour dans votre librairie, mais j'y mettrais vraiment pas mon bras à couper!)


   
Dans une contrée lointaine vivait une canette. La marque de cette canette n’a guère d’importance, si seulement on pouvait encore le déterminé. Car cela faisait bien longtemps que le nom du produit avait disparu, effacé par le temps. Cette canette, pour être précis, ne vivait pas, mais survivait. Pour être claire, elle était par terre, au milieu de nul part, en plein soleil. Et il ne se passait jamais rien. Chaque jour elle voyait des gens défiler, certains avec des canettes à la main, de belles et jeunes canettes, encore pleines de vie, ou plutôt de boissons. Notre canette, il y avait bien longtemps qu’elle n’était plus un belle et jeune canette. Elle était maintenant vide, cabossée de partout, et sa couleur perdait chaque jour un peu plus de son éclat, sous l’effet des rayons du pitoyable soleil.
   
    Un matin, alors que de nouveau, le soleil allait la narguer depuis le lointain ciel, elle décida de se révolter. Cabossée pour cabossée, autant que cela serve à quelque chose, pensait-elle. Elle se résigna donc à se mettre en plein sur le passage de la masse de gens du quotidien. Ce simple déplacement lui demanda une journée et une nuit entière, à force de patience et d’habileté, et grâce, il faut l’admettre, au vent et aux nombreux chiens abandonnés qui reniflaient dans le coin. C’est ainsi que le matin suivant, elle eut enfin l’espoir d’un voyage qui changerait sa vie.
    La première personne qui croisa la canette ne lui porta pas la moindre attention, si ce n’est le minimum pour lui permettre de la contourner. Ce qui blessa la canette, bien qu’elle ne veuille toujours pas l’admettre. Celle-ci sentit alors que la tâche serait plus ardue que prévue. La rencontre suivante ne la réconforta pas non plus. En effet, une jeune femme arrivait à grande allure. Celle-ci faisait claquer ses talons aiguilles de 9cm et 35 mm (oui, une canette fait dans la précision) sur la route à chacun de ses pas. Un de ses pas l’amena à marcher sur la canette. Nous passerons sous silence les émotions et ressentis de la canette à cet instant précis, si ce n’est cette interrogation, je dirais presque existentielle, que chacun d’entre vous se pose : « Mais comment fait la dame pour marcher avec des talons aiguilles de 9 cm et 35 mm » (malheureusement, l’histoire ne le dira jamais). Le fait est que maintenant, notre canette était vraiment bien amochée. Ce n’était plus de la cabosse de troisième zone, de débutante. Non non non, elle jouait maintenant dans la cours des grands (quoique dire « elle était dans la cours où jouait les grands » serait plus juste), comme on dit. Les autres canettes en disent encore d’elle qu’elle était une blessée de guerre. Mais passons outre ses considérations physiques. Au final, notre canette n’avait pas franchement bougé. Son état physique était des plus réduit, et ses chances de pouvoir un jour bouger ne s’augmentaient pas vraiment non plus. Ce n’est pas qu’il n’y ait personne dans les rues, loin de la. Mais aucune âme charitable ne semblait prête à lui shooter dedans. Que le monde pouvait être cruel avec elle.

    Un certain nombre de jours passa (elle ne les a pas compté, je ne peux donc pas vous le dire précisément) et elle en était toujours au même point. Un jour passa. Un autre jour passa. Un autre jour, différent des deux précédents passa. Et j’en passe (pour ne pas perdre des lignes inutilement et pour que vous ne vous endormissiez pas). Ce que je peux vous dire, c’est qu’elle se souvient qu’il y en avait beaucoup, de ces jours, à un ou deux près bien sur. Le fait est qu’elle commençait à perdre espoir. Les soldes arrivaient à leur terme, il n’y aurait en conséquent bientôt plus personne dans les rues.
    Mais un matin, une chose étrange, qu’elle n’aurait même pas pensé possible, arriva. Quelqu’un croisa son chemin. Mais pas de la façon qu’elle avait imaginé. Le pied de cette personne ne rentra pas en contact avec son métal. La canette ne se retrouva pas projeter à 30 cm du sol, et à faire un certain nombre de rebonds. Elle se retrouva bien en l’air, mais d’une autre manière. Aussi horrible que cela puisse paraître, et ceux qui sont sensibles sont priés de ne pas lire les prochains mots, la personne avait tendue la main et l’avait attrapée ! Cette personne, que dis-je, ce fou, donc, marcha sur une certaine distance, la canette à la main. Et je peux vous dire que la canette ne faisait pas sa fière, elle avait même peur. « Mais que va-t-il m’arriver » se demandait-elle, nerveuse. Elle aurait même suer à grosses gouttes si seulement elle avait encore contenu quelques gouttes de boisson sucrée gazéifiée. Soudain, l’étranger, que la masse de gens autour appelés « écolo », s’arrêta. La canette, paniquée, regarda fébrilement autour d’elle. Et elle vit…rien. Elle ne voyait plus rien. Elle terminait une longue et imprévue chute, et tout autour d’elle il faisait noir. Elle ne voyait plus rien du tout. Mais elle sentait qu’elle n’était pas seule. Autour d’elle, elle sentait (au sens littéral du terme) la présence de peaux de bananes, de mégots de cigarettes, et de tous pleins d’autres trucs bien sympathiques. Laissant à ses yeux le temps de s’adapter à la luminosité ambiante (sii une canette, ça a des yeux, vous n’avez pas cherché au bon endroit, c’est tout), elle tenta de reprendre sa respiration (et oui, ça respire une canette, comment voulez vous qu’elle sente sinon ?). Elle se rendit alors compte que cette odeur, odeur qu’elle n’aurait jamais cru réelle, qui lui faisait tourner la tête, qui lui faisait presque tourner de l’œil tellement elle était forte. « Quelle magnifique odeur de paradis» ne put-elle s’empêcher de crier, au bord de l’extase, les larmes aux yeux (c’est émotif une canette, prenez note, vous ne semblez pas très au courant des mœurs des canettes).

    Mais elle n’eut pas le temps de réfléchir davantage car elle sentait que l’endroit dans le quel elle était commencé à bouger. Et elle put enfin voir la lumière du jour. Et elle comprit. Elle était dans un sac plastique transparent, un grand sac, et quelqu’un venait de retirer ce sac de ce qu’elle avait présumé, par intuition, être une poubelle municipale. Mais cela ne l’aidait en rien, car elle ne savait pas ce qui l’attendait. Pauvre petite canette naïve. Quand elle rouvrit les yeux, elle observa longuement ce qui l’entourait, mais elle ne savait pas à quoi comparer ce qu’elle voyait. Il y avait des tonnes, que dis-je, encore plus beaucoup de tonnes que ça, de déchets en tout genre. Il y avait un grand tapis, sur lequel tous les déchets faisaient la file indienne. Elle prit donc place dans la file d’attente, comme tous les autres. Sur les côtés des mains s’activaient à retirer du tapis certains de ses nouveaux compagnons, sur des critères que la canette n’arrivait pas à déterminer.
    Un énorme bruit, auquel elle n’avait jusqu’alors pas prêté attention, lui fit tourner la tête. Au bout du tapis, chose qui ne l’avait pour le moment pas inquiété, se trouvait un trou, un trou noir, dont on ne voyait pas le bout, si ce n’est des flammes. Quand on voyait le trou. Car très régulièrement, une sorte de mâchoire métallique se refermait, les dents acérées écrasant les déchets se situant sur son chemin. C’est avec horreur qu’elle se rendit compte que cette chose broyait les déchets qui, malgré les différentes mains, restaient sur le tapis. Terrorisée, elle regarda autour d’elle. Elle avait déjà parcouru une grande partie du tapis. Et elle était toujours dessus. Ca sentait le roussit pour elle, dut-elle admettre. *En plus chui clostro, c’est vraiment pas cool* pensa-elle l’espace d’un instant (et ça prend beaucoup de place un instant, contrairement à ce qu’on peut croire). Mais arrêtons de divaguer sur le volume d’un instant, bien que ce soit un sujet fort passionnant. Notre canette priait pour qu’une main soit sa sauveuse, pourquoi pas la main de Dieu, bien qu’elle n’y croyait pas, après tout, elle n’avait plus rien à perdre. Mais Dieu n’avait que faire des canettes, et la main ne venait toujours pas. Elle n’était maintenant qu’à quelques secondes d’un bien funeste destin. Elle ferma les yeux, et attendit le moment fatidique.

    …Qui n’arriva pas. Rouvrant timidement les paupières, elle examina son environnement. Elle s’aperçut alors que toutes les lumières étaient éteintes. * Une coupure de courant ? VICTOIRE* hurla-t-elle en son for intérieur. Mais sa joie ne fut que de courte durée, puisqu’elle savait que cela ne faisait que retarder le moment douloureux. Déjà elle entendait le moteur se remettre en route, à mesure que les différents néons se rallumaient. Elle sentait la vibration du tapis qui l’amenait droit vers la mort. Puis, plus rien. Il n’y avait plus de vibration. Elle rouvrit pour la seconde fois les yeux, et vit que le tapis se situait à 14cm et 98mm en dessous d’elle (la précision, j’ai dit). Elle était toujours en mouvement, mais pas dans le sens de déplacement du tapis. Elle en déduit donc, pour son plus grand plaisir, qu’une main était venue la sauver du trépas qui l’attendait. Heureuse, excitée comme une puce par cette poussée d’adrénaline, elle regardait partout autour d’elle. Et la, elle vit sa destination. Une autre poubelle, plus grande celle-ci, pleine d’autres canettes. *Chouette, des copines* Mais aucune n’avait le cœur à discuter. Un certain temps passa, tandis que d’autres canettes les rejoignaient. Puis la poubelle fut déplacée. Elle ne sut pas où, mais les canettes bougeaient. Quand enfin elles s’arrêtèrent, elle ne s’en sentit pas mieux. Étrangement, dans la poubelle régnait une ambiance morbide. Tout le monde savait. Savait quoi, je ne pourrais pas le dire, elles seules le savent, mais elles le savaient.
    Quand notre canette sortit de la poubelle, elle se retrouva de nouveau sur un tapis. Mais elle savait que cette fois-ci, il n’y aurait pas de main pour venir la sauver. Elle voyait la mâchoire de fer se rapprochait, inexorablement, encore et encore. Je vous épargnerai ce terrible moment. Sachez seulement que les yeux de la canette s’ouvrirent plus grands que des assiettes (et c’est dire, quand on compare la taille d’une canette à celle d’une assiette) à la sortie de la mâchoire. L’écrasement, impossible à décrire sans l’avoir vécu, et je ne me sens pas l’âme de vous relater ce récit dans les moindres détails, l’avait rendue aussi plate qu’une feuille de papier, de type celle servant aux imprimantes basiques à jet d’entreprise lambda de n’importe quel quartier d’affaires.

    Ce qui lui arriva ensuite, je n’ai vraiment pas la force de vous les décrire (oui, mes muscles commencent à fatiguer). Mais je peux encore vous dire ceci : ne vous étonnez plus de voir sur les ailes d’une avion, à travers un hublot, des yeux vous observer. Je n’ai qu’une chose à dire… Vive le recyclage !



                                   THE END


Pour ceux qui ne savent pas lire (en tout cas, pas assez pour lire l'histoire!) ou qui préfère les livres imagés, voici la très brève adaptation dessinée, avec beaucoup, beaucoup moins de texte!

L_histoire_de_la_Canette1Modif  L_histoire_de_la_Canette2Modif

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